Si j'envisage d' entrebailler la porte de l'atelier de Dominique Roux, un silence monte d'une
lumière mate faite de bruns et d'ivoires, de terre et de bois mais de métaux rendus précieux
et tous vous appellent dans une sorte de préhistoire aux racines plongées dans l'imaginaire.
Je suis prise alors -" à rêver la matière ou bien à matérialiser l'imaginaire" comme le suggére
Bachelard au sujet des quatre éléments, ces trames de nos vies qui tissent des réalités
symboliques.
Y-a-t-il ici la recherche d'un absolu oublié ? Est-ce un long périple qui questionne sa durée
même, et tout en y rêvant se frotte et se brise sur un geste, un instant de la création
anaérobie ?
Que s'est-il passé avec l'élément féminin ?
Quand s'est-il invité ? Est-ce qu'au fond de ses entrailles la lumière est entrée ? évoque-t-on
les gouffres où se trament des histoires humaines muettes ?
Et si j'approche des coquillages et des déesses il ruisselle depuis les plateaux, les stéles, les
consoles des histoires de paix au sein des crânes, des os, des lames, des fourreaux. Des
épées sont dressées arrondies, vieux fers rougis depuis longtemps refroidis et de rouille
investis. Le dénudé, l'écorché régne et avoisine des vénus de tous âges. Est-ce que l'on
psalmodie devant ces autels colorés, patinés dans les tons de la cire ?
Les encres et les dessins vous invitent à d'initiatiques traversées : un trait surgit, les lavis
s'offrent dans des bruns mordorés qui sont prêts à couler et se construisent, s'équilibrent.
Il y a du grandiose dans un éclat de matière glané sur un trottoir de la cité quand il s'intégre
à l'oeuvre abritée, couvée dans l'atelier. Les combinaisons, rencontres improbables
transforment et animent la matière, cette terre complexe du sculpteur. Alors survient
l'aérien enfermé, le lisse prisonnier martelé, le rugueux doré ou argenté, le métal compulsé,
bouillonnant. Et l'Amour se mord les lévres et les seins et les courbes les plis roulent en
torses, s'articulent, colonnes vertébrales, trachées accôtées à l'oeuf, à la pierre, aux
attroupements des figurines synthétiques qui prient.
Marie-pierre Chancé décembre 2007